Le principe légal
En règle générale, le Code civil suisse prévoit que l’obligation d’entretien envers un enfant mineur prime sur les autres obligations d’entretien liées au droit de la famille (art. 276a al. 1 CC). Cette priorité s’étend à l’ensemble des besoins nécessaires à un entretien convenable de l’enfant mineur, ce qui inclut également la contribution de prise en charge éventuelle (art. 285 CC).
Cependant, dans certaines situations, le juge peut déroger à ce principe. Par exemple, si un enfant majeur a droit à une contribution d’entretien et qu’il convient de ne pas lui porter préjudice (art. 276 al. 2 CC). L’objectif est d’éviter qu’un enfant de 18 ans en formation au moment du divorce ne se retrouve brusquement dans une situation de besoin. Cependant, cette exception ne place pas l’enfant majeur sur un pied d’égalité totale avec l’enfant mineur. En effet, l’enfant majeur peut être en mesure de trouver un emploi à temps partiel ou une bourse d’études, ce qui est impossible pour l’enfant mineur.
L’ordre de priorité en situation de déficit
Enfant mineur et conjoint
En cas de manque de ressources financières du débiteur de la contribution d’entretien, le Code civil suisse établit que l’entretien de l’enfant mineur est prioritaire par rapport à celui de l’ex-conjoint. De plus, la contribution de prise en charge est également prioritaire sur l’entretien de l’ancien conjoint. Il est important de noter que ces priorités s’appliquent aussi aux enfants issus d’autres relations du débiteur.
La méthode de calcul consiste à tout d’abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites du débiteur, suivi du minimum vital de l’enfant mineur, puis de la contribution de prise en charge (calculée également selon le minimum vital du droit des poursuites) et enfin du minimum vital du droit des poursuites du conjoint.
Une fois que le minimum vital du droit des poursuites de chaque personne a été satisfait, il est nécessaire d’examiner si des ressources supplémentaires sont disponibles pour couvrir certaines charges du minimum vital de droit de la famille, en suivant l’ordre de priorité établi précédemment.
La priorité est donnée à l’entretien de l’enfant mineur par rapport à celui du conjoint avec qui le débiteur fait ménage commun. Les charges du nouveau conjoint ne doivent pas être prises en compte dans les obligations alimentaires du débiteur envers l’enfant mineur, même si le nouveau conjoint n’est pas capable de subvenir à ses propres besoins. Cette règle reste valable en tout temps.
Enfant majeur et conjoint
La contribution de l’ex-conjoint reste prioritaire par rapport à celle de l’enfant majeur en formation, malgré l’ajout de l’art. 276a al. 2 CC. La jurisprudence existante continue donc de s’appliquer.
Enfant mineur et enfant majeur
L’art. 276a al. 2 CC offre une certaine souplesse en ce qui concerne la primauté de l’entretien de l’enfant mineur, sous certaines conditions.
Cette disposition donne une marge de manœuvre au juge pour tenir compte des circonstances particulières de chaque cas. Elle permet donc au juge de déroger au principe légal selon lequel l’entretien de l’enfant mineur est prioritaire.
Jurisprudence récente en la matière
Le Tribunal fédéral a prononcé une décision le 20 avril 2022 dans une affaire impliquant une famille recomposée (TF 5A_382/2021). Cette affaire concerne un enfant né hors mariage dont les parents se sont séparés. La mère s’est ensuite remariée et a donné naissance à un second enfant.
Dans le cadre de cette affaire, le Tribunal fédéral a été appelé à trancher la question de la concurrence entre l’obligation du premier père de verser une contribution de prise en charge pour son enfant né hors mariage, et l’obligation d’entretien de l’époux de la mère, en vertu des principes de l’entretien de la famille pendant le mariage. Dans sa décision, il a jugé que le père du premier enfant n’était plus tenu de verser une contribution de prise en charge pour celui-ci, dans la mesure où le père du second enfant prenait en charge les frais de subsistance de la mère grâce à ses revenus provenant de son activité lucrative.
Le Tribunal fédéral a expliqué que la mère et son nouveau mari avaient convenu d’une division traditionnelle des tâches, où le mari versait de l’argent à la mère qui, en retour, s’occupait du foyer et de l’enfant commun. Selon le Tribunal, cet arrangement couvrait les frais d’entretien de la mère et donc, dans la mesure où elle ne subissait pas de déficit, il n’était pas nécessaire de fixer une contribution de prise en charge en faveur du premier enfant.
En rendant cette décision, le Tribunal fédéral n’a pas atteint l’objectif de la contribution de prise en charge, qui consiste à garantir à l’enfant les ressources nécessaires, même si la situation personnelle du parent qui assure sa prise en charge venait à changer. Par conséquent, il est possible que le Tribunal fédéral révise cette jurisprudence à l’avenir.